Et si la danse traçait les lignes d’un pont ?

Créer des chemins et des mouvements cohérents afin de relier deux espaces : tel est l’objectif d’un pont.
Puisant son inspiration dans des sources aussi lointaines que la danse contemporaine ou dans ce que l’on appelle light plotting[1], cette proposition de pont trouve sa cohérence dans une approche performative en matière d’utilisation des matériaux. Le résultat peut être aisément désigné comme "pont à structure hybride", tirant le meilleur parti des matériaux utilisés.
En s’inspirant d’illustrations de formes chorégraphiques issues des danses de Lucinda Childs et aussi d’interprétations de ces mêmes mouvements sous forme de projections et de peintures murales par Sol LeWitt (nées de leur collaboration Dance, 1979), nous avons trouvé l’impulsion nécessaire pour créer un espace interstitiel inédit au sein de la structure du pont : un espace accueillant de nouveaux chemins, aux lignes droites et variables, pareilles aux demi-courbes des mouvements orchestrés par Lucinda Childs.
Ces premières expériences chorégraphiques de l’artiste américaine nous ont amenés à créer une « scène » destinée aux visiteurs empruntant le pont : une promenade / piste cyclable linéaire et horizontale, rejoignant les zones de repos et leurs demi-arcades qui surplombent le fleuve. Les croisements possibles des parcours pédestres, combinés aux surfaces composées et ondoyantes des arcs, créent des chemins complexes. C’est une œuvre chorégraphique tridimensionnelle qu’aucun pont n’avait offert jusqu’alors.

Animation des mouvements de danse, source majeure d'inspiration pour la structure | Basé sur la partition chorégraphique (extrait) de Lucinda Childs, (extrait) Dance #1 (1979), mine de plomb et feutre sur papier, fonds Lucinda Childs - CND Médiathèque, 35.6x28cm, avec la permission de Lucinda Childs
L’utilisation des diagrammes orchestrés et autres séries de motifs de Lucinda Childs, de même que les nombreuses combinaisons qu’ils offrent, ont été une source d’inspiration tout au long de la conception du projet. À mesure que nous expérimentions les formes découpées du pont, le mouvement et le corps humain occupaient une place prépondérante dans nos réflexions. Le résultat est, par essence, une composition « en série » structurellement stable mais qui demeure fortement énigmatique, en témoignent ses arcs ascendants et descendants à double courbure, plongeant vers l’eau. C’est cette forme singulière, ces courbes sinueuses répétitives, qui donne au pont et à ses arcs toute leur stabilité et aussi leur résistance pour s’étendre sur de grandes distances. Cette originalité confère également à l’ensemble un rythme et un spectacle visuel, qui offrent des points de vue toujours uniques : un véritable mouvement chorégraphié dans l’espace.
Grâce à sa structure à trois niveaux, maillée d’un réseau ouvert de colonnes métalliques profilées – ou forêt – nous avons pu créer un nouvel espace occupé. Au sommet des arcs-coques, sous la chaussée : se profile un véritable espace de liens sociaux, unique en son genre. Avec ses panoramas Est et Ouest sur le fleuve, cet espace fait office de voies piétonnière et cyclable, à l’abri du bruit des automobiles qui circulent au-dessus.

Chaque arc-coque est flanqué de marches à l’approche des eaux, rappelant un amphithéâtre, offrant ainsi des vues sur l’aménagement des lieux. Les marches du dernier arc permettent au public de rejoindre les bords du fleuve.
Le pont sur le fleuve Guishi est la scène de mouvements chorégraphiques tridimensionnels, un vibrant hommage à Lucinda Childs, où piétons, joggeurs et autres cyclistes, circulent librement le long d’une ligne médiane et plate tracée entre les arcs sinueux.

La nuit, l’espace est intensément éclairé, offrant un spectacle visuel aux curieux qui admirent le pont de loin. Les sous-faces des arcs-coques sont éclairées du bas, depuis les piliers de soutien : l’éclairage artificiel de l’édifice se retrouve ainsi intégralement « dans » la structure, ce qui évite les lumières parasites vers le ciel, cette fameuse pollution lumineuse souvent provoquée par les chaussées sur-éclairées. L’approche dite d’un ciel sombre, en matière d’éclairage nocturne est respectueuse de l’environnement, sans aucun compromis sur l’impact emblématique, l’effet visuel de l’éclairage ou son utilisation.
[1] Technique et outil de conception lumière qui consiste à projeter les lignes des faisceaux lumineux sur un plan et/ou une coupe, tel que dans un plan architectural.
Direction de la conception
Etienne Tricaud, co-fondateur d’AREP Architecte en chef
Thierry Chantriaux, Directeur Général
Daniel Claris, Directeur International
Tim Culbert, Directeur de Conception
Andreas Alexopoulos, Architecte, Ingénieur structure
Equipe projet
Ebrahem Hassibi
Heloise Cai
Sergio Capasso
Ingénieurs – Conseil
AREP + Map3
Emmanuel Livadiotti
AREP China
Luc Néouze, Directeur de l’agence de Pékin
Xingxing Jiang, Directeur du développement commercial
Consultants
Inui, Stéphane Curtelin
Emannuel Livadiotti
Yassin Bruneau, Fablab manager, ENSAPVS